Vietnam

Hô Chi Minh (ou Saigon)

Le Vietnam était le premier pays totalement inconnu de mon tour du monde 22-23. Je n’avais pas du tout envie de retourner en Thaïlande, et les pays limitrophes comme le Laos ou le Cambodge me semblaient encore plus compliqués. J’aurais bien voulu passer par Hong-Kong, mais politiquement parlant ce n’était pas le bon moment, et je n’ai pas trouvé un parcours direct qui aurait passé par la Malaisie. Du coup, je me suis tourné vers le Vietnam mais c’était donc plus un passage de transit obligé qu’une réelle volonté de découverte. J’appréhende particulièrement ce pays pour trois raisons : la mentalité envers les touristes, la chaleur et l’humidité qui vont restreindre mes possibilités de marche et les moustiques.

Vue d'avion Hô Chi Minh
Vue d’avion Hô Chi Minh

Le vol depuis l’Australie vers le Vietnam se fait d’une traite en journée avec Vietnam Airlines et se passe de manière fluide. Un peu d’attente à cause du monde à l’immigration mais je n’ai jamais passé un poste d’immigration aussi rapidement. Je me suis comme d’habitude bien renseigné en amont pour pouvoir me rendre de l’aéroport au centre-ville sans me faire enfler par un chauffeur de taxi (ça n’a d’ailleurs pas manqué, à peine j’ai mis un pied hors de l’aéroport que je me suis fait haranguer par l’un d’entre eux, que j’ai poliment éconduit). Je prends donc un minibus public, pas bondé, pour un coût d’à peine quelques dizaines de centimes : première expérience de transport réussie.

Mon hôtel n’est pas loin du centre, dans une rue un peu au calme, et ce n’est pas de trop ! Une fois descendu du bus, je prends de plein fouet dans les esgourdes le monstre qu’est la circulation de cette métropole, sa cacophonie et son capharnaüm: sur les routes principales, c’est un déferlement continu de milliers de motos, et un peu moins de voiture et de bus, qui klaxonnent à tout va de manière tellement systématique qu’on a l’impression qu’ils ont besoin de klaxonner pour faire avancer leurs engins. Sans compter les vendeurs ambulants, qui annoncent leurs produits au mégaphone installé sur leurs motos ou chariots. Et par capharnaüm, j’entends le fait que chacun se faufile comme il peut où il peut dans un désordre apparent. En dehors de quelques feux rouges plus ou moins respectés, le reste ressemble à une «murmuration», ces vols d’étourneaux en nuées, dont on ne comprend pas très bien comment ça fonctionne et où ça va. Mais ça fonctionne et ça y va !

Trafic monstre dans Hô Chi Minh

C’est donc la première chose qui frappe lorsqu’on arrive au Vietnam. Et bien entendu, de cet élément en découle un autre : comment faire en tant que piéton ? Car le piéton n’a ici jamais la priorité, c’est encore pire qu’en Australie, et il va bien falloir se frayer un chemin dans tout cette logorrhée mécanique. Alors c’est sûr, il ne faut pas être trouillard : il faut traverser, et voilà ! Il n’y a pas toujours de passage piéton avec feux, et même lorsque c’est le cas, il y aura quand-même potentiellement un flot de véhicule qui va vous foncer dessus. Cela prend un ou deux jours pour s’habituer et comprendre qu’il y a tout de même toujours un moment meilleur qu’un autre pour traverser, et qu’il y a aussi des moments où il n’y a pratiquement que des motos qui devront vous éviter, ce qui est tout de même moins effrayant que des voitures ou des bus. Car c’est bien ça l’idée : tout le monde va vous éviter avec brio. Je ne sais pas si c’est une compétence demandée pour les permis de conduire au Vietnam, mais on a vraiment l’impression que tous les conducteurs ont un sens inné de la réactivité et de la trajectoire routière. Je me suis même dit : ils ont des réflexes surhumains ces vietnamiens, pas étonnant qu’ils soient forts dans les sports rapides ! En résumé si vous venez en piéton et avez un peu peur de la route, le Vietnam n’est pas fait pour vous : je me suis par exemple retrouvé à devoir traverser une route rapide à quatre bandes dans les deux sens, ça met un coup d’adrénaline ! Il y a aussi tout le temps des petits malins qui roulent à moto à toute vitesse sur les trottoirs pour zapper les files aux feux et c’est également régulier de voir des gens qui roulent à contre-sens sur la route, sur laquelle vous devrez régulièrement marcher à cause de l’encombrement des trottoirs. Et durant les cinq jours sur place, je n’ai vu en tout en pour tout que deux policiers, et ils étaient à table…

Encombrement des trottoirs au Vietnam
Encombrement des trottoirs au Vietnam

Après une nuit bien méritée dans un calme relatif, j’ai pu découvrir la ville en long et en large. Le matin, dans les rares parcs pas très bien entretenus de la ville, des personnes de mon âge ou plus âgées font soit de la gym de diverses manières (mais très souvent de manière totalement ridicule pour un œil européen), soit des danses de salon et latines sous de petits pavillons en bois au son d’une sono, ou soit du Da Cau, sport ancestral ressemblant à du foot-badminton qui se joue par deux ou par quatre, dont le but est de se renvoyer un volant de badminton avec tout sauf les mains et dont les joueurs étonnent par leur dextérité.

Sport vietnamien

Dans les quelques grands magasins sur les rues passantes, trente minutes avant l’ouverture, on peut voir à travers les vitrines les dizaines d’employés qui se mettent en rang d’ognon en bas du magasin pour écouter religieusement le sermon du chef. Plus on avance dans la découverte, plus on commence à sentir la fatigue sonore due aux bruits des véhicules. Et à ce propos c’est là qu’intervient la deuxième chose que j’ai trouvé marquante : dans toute la ville il y a tous les dix ou vingt mètres des gardiens de «parking», parking étant une zone plus ou moins entendue et non marquée dans une rue ou devant un bâtiment. Ces milliers de gardiens (je n’ai vu que deux gardiennes sur cinq jours d’exploration) sont généralement assis sur une chaise, sur une moto ou accroupis devant restaurants, boutiques, écoles et autres et sont chargés de déterminer où doit se parquer une moto ou une voiture (plus rarement d’interdire le parking devant telle ou telle structure), et de récolter l’obole au passage (qui va dans quelles poches au final ? Mystère). Ils sont habillés avec des uniformes très sérieux, faisant véritablement penser qu’ils sont policiers, du coup lorsqu’on se promène dans la ville, on a vraiment l’impression d’être sous haute surveillance tout le temps, ce qui n’est pas particulièrement agréable, surtout que ce sont souvent les premiers à dévisager le passant.

Je fais ici un petit aparté concernant les manières : j’ai beaucoup lu avant de venir, inquiet que j’étais de ne pas apprécier ce pays. De nombreuses sources citent les vietnamiens comme étant très gentils et très accueillants, un peu comme ce que j’avais lu pour la Thaïlande et qui n’était pas vraiment le cas. Pour ces premiers jours, je peux dire que les vietnamiens ont l’air effectivement sympathiques, ils semblent humbles, sont de toute évidence travailleurs, et ils sont beaucoup plus discrets que les thaïlandais, surtout en ce qui concerne les femmes (les femmes thaïlandaises hurlent au lieu de parler, c’est une horreur). Cela dit, pour moi suisse, qui en plus arrive d’Australie, peuplée de gens aux héritages européens et notamment anglais qui s’excusent tout le temps pour un oui ou pour un non, le contraste est important : il ne semble pas y avoir de culture de la politesse au Vietnam. Du respect de fonction, peut-être, mais de la petite politesse courante, point. Personne ne va jamais te remercier si tu le laisses passer en premier à quelque part par exemple, et personne ne va s’excuser s’il te bouscule un peu ou s’il te coupe le chemin, ce qui arrive tout le temps et qui est particulièrement agaçant. J’ai parlé plus haut de la très haute réactivité des gens, mais il y a d’autres situations où ils ne font attention à rien : reculer avec son scooter, ouvrir une porte de voiture côté route et bien d’autres situations. Ils ne regardent pas ce qu’ils font, c’est moi d’abord et les autres vivez avec ! Et les vietnamiens sont régulièrement sur leur téléphone au volant, en scooter, voiture et bus y compris. Il y a aussi les escaliers roulants dans les magasins, où personne ne se met de manière à laisser passer les autres, au contraire de l’Australie. Autre exemple, le mot merci «cam onne» en vietnamien est très peu utilisé par ceux-ci, et il est fréquent qu’on me regarde avec un petit sourire en coin quand je l’utilise, ou qu’on me réponde «yiééééh» qui est une sorte d’approbation mais qui donne un peu l’impression qu’on les agace avec nos «merci». Il est également écrit dans de nombreuses sources que les vietnamiens sont très enclins à apprécier les étrangers qui font l’effort de dire quelques mots dans leur langue, mais à moins que je sois nul à ce point, ce qui pour un auditif serait curieux, j’ai plutôt constaté que ça ne leur faisait totalement ni chaud ni froid. Malgré tout, je continue à apprendre, car il n’y a rien qui m’énerve plus que ces touristes qui ne font même pas l’effort de dire bonjour ou merci dans la langue du pays. J’ai également beaucoup lu qu’au Vietnam il était d’usage d’éviter le contact direct au niveau des yeux, par respect. Sauf que très souvent, on me regarde beaucoup et fixement dans les yeux, donc je réfute cette information. De même que le fait de croiser les bras qui serait mal vu. Lors des repas, il y a de nombreux hommes (pas les femmes apparemment), qui mangent la bouche ouverte. Traduisez : qui mangent en donnant l’impression de vouloir faire le plus de bruit possible avec la bouche ouverte en mâchant, c’est assez désagréable. Et sans transition, il est régulier de voir des gens uriner dans la rue, un peu moins de femmes forcément mais j’en ai vues aussi. Enfin, de manière plus personnelle, je ne trouve pas les vietnamiens très avenants : ils ont des traits faciaux pas toujours doux et un regard souvent peu enjoué, au contraire des coréens et de leur bonne bouille souriante, comme imagé comme ci-dessous.

Le vietnamienLe coréen
Le vietnamienLe coréen
Différences faciales et de tempérament entre les vietnamiens et les coréens

Dans les rues on peut voir trois choses assez typiques : d’abord il y a des femmes coiffées du chapeau pointu traditionnel, le Non La, qui arpentent les rues avec un chariot, trimballant déchets et cartons. C’est en fait la voirie attitrée. Il y a un autre type de femmes qui portent le fameux couvre-chef, ce sont les vendeuses de billets de loterie, qui déambulent entre boutiques et restaurants en quête des acheteurs potentiels. Et enfin les dernières coiffées sont quelques rares femmes qui portent leur cuisine de manière traditionnelle avec la palanche en bambou et c’est tout, le fameux chapeau n’est pas tellement utilisé autrement en ville, sauf par les touristes, évidemment. Je verrai plus tard qu’Hanoï est restée un peu plus traditionaliste à ce niveau. En deuxième, il y a des petits métiers de rue, qui sont rares pour ce que j’ai constaté (le deviennent-ils?). J’ai pu voir quelques cireurs de chaussures et un ou deux barbiers (idem pour Hanoï). Et enfin en dernier, à toute heure de la journée on peut humer de bonnes odeurs qui viennent d’un peu partout : on tombe régulièrement sur un ou une vendeur/se ambulant/e de petite nourriture sur le pouce, souvent dans un petit chariot aménagé pour y faire la cuisine et certains installent carrément tout leur barda de cuisine directement sur leur motos. Il y a beaucoup de vietnamiens qui mangent dans ces petites stations aménagées. Aux heures de pointe, tout ce petit monde s’assied sur de minuscules tabourets ou chaises Ikea pour enfants de toutes les couleurs, disposés en bord de route et profite de cette cuisine rapide qui je dois bien l’avouer la plupart du temps donnait vraiment envie, même si les recettes restent très simples et que les conditions sanitaires peuvent être quelque peu questionnées. Et pour le reste, j’entends par là les restaurants fixes, ce n’est donc pas un mythe, la qualité de la nourriture est très bonne. Déjà parce que la cuisine utilise des aliments de qualité, traduisez bio par essence, que c’est une cuisine saine comprenant une part importante de légumes et très peu de graisses ou de sucres, et enfin qu’il y a un savoir-faire indéniable tant au niveau de la cuisson que des mélanges de saveurs et de l’assaisonnement. On est donc très loin de la barbarie culinaire de l’Australie…